Violaine Dejoie-Robin

A la recherche de...
Violaine

Quoi de plus naturel pour Violaine Dejoie-Robin que de se diriger vers le cinéma ? « Dès la naissance », répond-elle, du tac au tac.
Enfant, elle suit son père dans ses tournées de projectionniste ambulant. Il charge son projecteur 16 mm dans la voiture, et écume les petites salles de Loire-Atlantique. Sa fille Violaine l’accompagne. Plus tard, elle n’oublie pas. Son premier film, en 1985, est une missive à ce père.
Son dernier film, en 2003, a pris pour nom Oubliés et trahis, et rend un bel hommage aux prisonniers de guerre coloniaux.

Non seulement Violaine prend goût au cinéma, mais surtout, elle destinera sa première réalisation, une lettre cinématographique, tournée en 16 mm, à ce père. C’est Le Temps d’une lettre, en 1985, et « cela parle d’amour inconditionnel entre parents et enfants », se souvient-elle.
Puisque le virus l’a piquée, elle continue, quitte à passer par toutes les portes.
« D’assistante-cantinière sur un tournage, je suis passée balayeuse, ou costumière, je ne sais plus, sur un autre. Puis je traîne du côté des bancs de montage, je n’y connais rien et cela m’intrigue. Un réalisateur cherche une assistante, je lui fais parvenir un CV qui précise que j’aime le tir à l’arc et l’astrologie, je n’ai aucune autre qualification que cette passion dévorante pour les images. Je vais finalement travailler huit ans à ses côtés, notamment pour des films dans le cadre du CNDP (films pédagogiques).
J’en garde un très bon souvenir, mais il me faut faire mes films.

En 1987, je tourne Lettre d’un chef indien, déclaration écologiste, qui sera primée.
Et puis j’esquisse en images les portraits de personnes qui me fascinent, ou tout au moins, qui cherchent, comme moi… Ce sera Yahne Le Toumelin, femme peintre devenue moine boudhiste, puis le portrait de son frère, le navigateur Jacques-Yves Le Toumelin, qui part trois ans autour du monde, avec les textes sacrés à bord de son bateau, le Kurun. C’était un maître à mes yeux… »

Violaine aime aller au bout de ses quêtes, comme ceux qu’elle filme. Parce qu’un ami l’emmène une nuit dans un fest-noz du Centre-Bretagne, elle va travailler trois ans sur le film Kan ha diskan (1995). On y entend longuement Jean-Michel Guilcher, ethnologue connu pour ses recherches sur la danse bretonne, qu’elle est la première à interviewer. Elle s’inscrit à un cercle celtique et transpire sur les planchers.
« Ce film a été peu diffusé, et je me souviens qu’à la première à Carhaix, tous les universitaires impliqués étaient dans la salle. À l’issue du film, leurs premiers mots seront pour m’accorder le passeport breton. Ils s’inquiétaient de ce que l’étrangère avait pu tourner. »

Et puisqu’il faut vivre, en enchaînant reportages pour France 3 et films de son gré, elle rencontre un jour Armelle Mabon, historienne lorientaise qui lui propose un synopsis sur les prisonniers coloniaux. Violaine se souvient :
« Je n’avais aucune fibre d’historienne, je ne connaissais rien à la Seconde Guerre mondiale. Mais l’enthousiasme d’Armelle a tout balayé, et j’ai réalisé Oubliés et trahis, en 2003, épaulée par une productrice parisienne, personne n’ayant cru en cette histoire ici.
Cet épisode tragique concerne les 70 000 prisonniers coloniaux, assignés dans des camps en zone occupée, à partir de 1941. Nous avons sillonné la Bretagne avec Armelle, lancé des appels à témoin, et découvert combien la solidarité avec ces prisonniers coloniaux avait été forte en Bretagne. Époques troubles, dualité de la société, traitements inégaux des soldats suivant des critères raciaux, le sujet est passionnant. »

Et Violaine se passionne, inventant mille procédés pour animer les images fixes, pour que revivent les photographies en noir et blanc de ces années-là. C’est peut-être à partir de cet instant, alors qu’elle s’est remise à la peinture depuis quelque temps, que va s’amorcer un nouveau virage, vers une carrière de plasticienne. Installations, photogrammes, images pixellisées. Violaine cherche, invente, trouve. Et son histoire d’amour avec le cinéma ne s’est pas tout à fait éteinte…

Curiosité aiguisée, allez donc voir la galerie Dejoie-Robin :
http://www.galerievdr.com
Les yeux de Jacques Demy vous y attendent…

Le livre Prisonniers de guerre « indigènes », qu’Armelle Mabon réalisa dans le prolongement du film : https://www.editionsladecouverte.fr/prisonniers_de_guerre_indigenes-9782348043437

 

Et juste pour le plaisir, un fameux quatuor de kan ha diskan, Kemener - Marchand -Menneteau - Krismen :
http://www.youtube.com/watch?v=82sGSGsxyUw

FILMOGRAPHIE

  • 2003 Oubliés et Trahis, les prisonniers de guerre coloniaux et nord-africains, 53'
  • 1999 Les Abris du marin, 26'
  • 1995 Kan ha diskan, 52'
  • 1991 Yhanne Le Toumelin, 13'