Cesar et Marie-Clémence Paes
L'oralité en partage !
Ces deux-là savent dans pas mal de langues ce que signifie « retrousser ses manches » ! Lui est du Brésil, elle est franco-malgache. Ils ont grandi dans plusieurs systèmes d’éducation. Ils n’ignorent pas l’un et l’autre les richesses enfouies que recèlent leurs deux cultures.
Alors, s’il le faut, ils deviendront producteurs, inventant Laterit, leur maison de production. Et n’auront de cesse de nous ouvrir grands les yeux sur ces pépites de l’oralité, ou sur des valeurs qui n’ont plus cours chez nous…
De Angano… Angano…, nouvelles de Madagascar (1989) à L’Opéra du bout du monde (2012), ils parcourent l’île rouge, mais pas seulement…
Une histoire comme un conte…
« Un fil que l’on tire depuis le début ? C’est indéniablement l’oralité et les trésors qu’elle engendre. Au Brésil, avec ces paysans nordestins que nous filmons dans Saudade do futuro, à Madagascar, avec toute cette tradition de conteurs, de théâtre…
Ce questionnement, une fois que nous avions décidé qu’il fallait le mettre en images, nous a obligés à réfléchir davantage, peut-être : comment montrer ce qui n’est pas écrit ? Comment dévoiler ces véritables richesses, inhérentes à des peuples classés parmi les plus pauvres de la planète ? Nous ramions délibérément à contre-courant. Il fallait être fous, et nous avons choisi de l’être. Preuve en est notre décision de monter une boîte de production, pour aboutir à notre premier film.
Ce fut Laterit, qui a survécu contre vents et marées, et les bourrasques furent fortes ! Aujourd’hui encore, nous devons inventer pour assurer notre survie. Tout récemment, nous avons fait le pari de l’édition de livres, dans le droit prolongement des films. »
Marie-Clémence est intarissable, pour peu qu’on la pousse sur les sentiers de latérite de son île natale. C’est là qu’elle prend conscience de sa double culture, là qu’elle comprend intuitivement comment l’oligarchie malgache a pu confisquer – et confisque toujours – les biens et richesses de son peuple. « Il faut voir comment le système coutumier est mis à mal par les usurpateurs qui exhibent des actes écrits pour mieux accaparer les terres des plus démunis… »
Elle sait l’épaisseur de la chape de plomb qui est retombée sur eux après les événements sanglants de 1947, elle s’est promis qu’un jour elle témoignerait en images de cette violence.
Le temps presse.
Pas de voix off inutiles, pas de filtres
Depuis le début, côte à côte, Marie-Clémence et Cesar se sont fixés de ne pas nous abreuver de commentaires : laisser la place à la parole de l’autre, à la culture de l’autre. Les convier à des noces cinématographiques, comme dans le magnifique Aux guerriers du silence (1992). En écho aux gestes des Sami, les gestes des Indiens brésiliens. Le fleuve répond à la toundra, leurs souffles se mêlent. Pas si lointains. Jouer avec jubilation des métissages, qui conduisent à des plats étonnants comme ce Bouillon d’awara (1996), plat traditionnel de Guyane. Nous éblouir avec la verve des improvisations des "troubadours" ou "repentistas dans Saudade do futuro, tourné dans le Nordeste.
Basculer le regard ? Nous bousculer aussi ! Loin de nos certitudes, nous obliger à détricoter nos clichés. « Battre en brèche les idées reçues, c’est notre raison de filmer, de produire, depuis plus de vingt-cinq ans. »
Embarquer sur des rivages où subsiste toujours une part de mystère. Les musiques nous guideront bien. Les musiciens nous enchanteront. Il suffit de tendre l’oreille.
Aujourd’hui ? « Plus que jamais, montrer une autre Afrique, qui se filme elle-même, qui s’affirme. Être aux côtés de jeunes réalisateurs malgaches, réunionnais, les soutenir, les produire. C’est un accompagnement naturel, nous ne dévions pas du chemin. Même s’il doit être tortueux ! »
Le site de Laterit productions :
http://www.laterit.fr/
avec des livres sur Madagascar et des DVD, mais pas seulement !
Découvrez y par exemple le nouveau film de César Paes, Songs for Madagascar : sortie en salles le 21 juin 2017
Le dossier Désir de film autour de Saudade do futuro, de Cesar Paes, publié par l’Arbre :
http://arbre-asso.fr/Archives/desir_de_film/Publications/17.Paes.pdf
Un entretien avec Jean-Luc Raharimanana, écrivain malgache, autour de l’expo « 47, portraits d’insurgés » :
http://www.theatre-video.net/video/Entretien-avec-Jean-Luc-Raharimanana-pour-47-Portrait-s-d-insurges-29e-Francophonies-en-Limousin
Une présentation de l’exposition des photos de Pierrot Men « 47, portraits d’insurgés » :
http://www.grands-reporters.com/Madagascar-47-Portraits-d-insurges.html
Le site du collectif Tany à propos des accaparements de terres à Madagascar :
http://terresmalgaches.info/
2018 Fahavalo, Madagascar 1947 (1er film en réalisation solo pour Marie-Clémence)
2016 Songs for Madagascar
2012 L'Opéra du bout du monde
2001 Saudade do Futuro
1996 Le Bouillon d'Awara
1995 Haïti «un temps mis en conserve»
1992 Aux Guerriers du Silence
1988 Angano... angano... nouvelles de Madagascar
Un voyage à travers les contes et les légendes pour découvrir Madagascar. Un périple entre le réel et l’imaginaire, teinté d’humour et de tendresse qui prend le parti de la tradition orale pour raconter la culture malgache.
Tourné en Laponie et au Brésil, ce film aborde la question des rapports de l’homme à la nature, du point de vue des peuples indigènes, Samis de l’Arctique et Fulni-ô du Brésil.
A Madagascar en 1947, les rebelles insurgés contre le système colonial sont appelés fahavalo, «ennemis» de la France. Les derniers témoins évoquent leurs longs mois de résistance dans la forêt, armés seulement de sagaies et de talismans.
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