François Gauducheau
Destins singuliers
S’il faisait de la bande dessinée, on pourrait volontiers imaginer François Gauducheau défendre l’école de la ligne claire, chère à Hergé.
Des choix précis et rigoureux. Une filmographie qui peut avoir l’air au premier abord assez éclectique, mais qui s’articule en fait très logiquement sur quelques lignes fortes. Parmi elles, le goût de François Gauducheau pour les histoires de résistance, de difficultés surmontées, d’obstacles contournés.
De belles héroïnes, à l’instar de Germaine Tillion, Dulcie September, mais aussi Simone Le Moigne, paysanne du Centre-Bretagne, devenue artiste naïve…
C’est tranquillement, film après film, que François Gauducheau esquisse une belle fresque audiovisuelle, galerie de portraits ou rencontres singulières qui débouchent toujours sur un documentaire.
« Pourtant, au départ, je croyais vouloir faire de la fiction. J’étais alors tenaillé par l’envie de raconter des histoires. Mais j’ai fini par comprendre que le réel recèle les plus belles histoires, à condition qu’on sache jouer d’un léger décalage, trouver la bonne distance… ou même renverser le point de vue parfois. »
Le réalisateur se rappelle le déclic : « Peu d’écoles de cinéma à l’époque, hormis l’IDHEC, pas de facs, alors une licence de lettres. Mais, friand de cinéma, je fais des stages sur des films de fiction, avant de découvrir Jaguar, de Jean Rouch.
C’est à Cotonou, où j’accomplis mon service militaire dans un centre culturel, que je découvre ce film qui innove, puis peu à peu, toute l’œuvre de Rouch, la figure tutélaire. Les premières caméras à l’épaule, dans le sillon du cinéma direct de Perrault et Brault. Même si les caméras restent lourdes et les Nagra encombrants.
Revenu à Paris, rentrant juste du service et déjà chargé de famille, je vais mettre à profit la situation scandaleuse d’impossibilité d’accéder à un logement décent pour tourner un film, plutôt ironique et à charge, sur une société qui peine à assurer un habitat correct à chacun. C’est mon premier court, Balade pour quatre murs. Ensuite, je vais naviguer au fil des rencontres, mais le désir de film est presque toujours consécutif à une rencontre. Souvent avec des personnages qui ont pour trait commun le dépassement, la capacité à prendre en charge leur destin. »
Tout d’abord Qui se souvient de Dulcie September ?, un film réalisé en 1999, dix ans après l’assassinat de la représentante de l’ANC à Paris.
Puis le beau personnage de Germaine, dans Les Images oubliées de Germaine Tillion. Celle-ci est filmée à l’automne de sa vie, en 2000, et elle est encore pétillante, intelligence vive et mémoire intacte, alors qu’elle décrit les affres de Ravensbrück ou les tractations de paix en Algérie au début de la guerre.
Ou bien le personnage de Jean, condamné à perpétuité dans Une longue peine, tourné en cinq semaines (mais après de longs repérages et approches) dans la prison d’Ensisheim en Alsace. Le constat est accablant, et laisse dire au réalisateur que cette « France des sous-sols » doit être dénoncée. Le levier de la réinsertion n’est que très peu actionné, le personnel est en nombre insuffisant et les injustices sont flagrantes dans le monde carcéral.
François Gauducheau creuse le sillon, travaille depuis longtemps à un film sur les centres de lutte contre le cancer, vus à travers le prisme des soignants.
« De petites unités souvent, où tous, du brancardier au chercheur qui planche depuis quinze ans, de l’anesthésiste au malade, tous se battent contre la même chose. Ignorés des médias, mal connus, les soignants s’étonnent que je les prenne en photo lors de mes repérages. C’est souvent la première fois que l’on s’intéresse à leur métier, à eux tout simplement. Je vais filmer sous cet angle. »
En 1990, le réalisateur avait tourné Sur l’autre rive, la belle histoire d’une création théâtrale dans les chantiers navals Dubigeon, désertés depuis des années. La tragédie d’Othello résonnait avec celle des ouvriers, pareillement abandonnés. François Gauducheau cherche, enquête, tente de savoir d’où vient toute l’énergie de ces gens qui se dépassent. Assurément, lui, il aime encore à passer de l’autre côté de l’écran…
François a été très touché par le film de Mariana Otero Histoire d’un secret. À voir ici, la rencontre avec la réalisatrice lors de Cinéma du réel en 2012 :
http://www.youtube.com/watch?v=EEgOVSAAZPw
Ou l’excellent article d’Anne Brunswic au sujet du film, sur Le Blog documentaire, un site sur lequel François Gauducheau aime à naviguer…
http://cinemadocumentaire.wordpress.com/2012/06/29/histoire-dun-secret-mariana-otero/
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