Mehdi Lallaoui
L'insatiable
Signe distinctif : ne s’arrête jamais, telle la fourmi qui avance trois fois trop chargée mais ne se détourne jamais de son but !
Des rivages de Nouvelle-Calédonie aux pages blanches de la guerre d’Algérie, de figures célèbres commes celle de Jean-Marie Tjibaou ou Jacques Charby aux anonymes de la guerre d’indépendance en Algérie et en France… Mehdi Lallaoui se forge une jolie mémoire, et semble fermement décidé à la partager avec le plus grand nombre.
Mehdi Lallaoui, d’où vient ce désir de film ?
Le désir de cinéma vient d’abord de mon implication citoyenne et associative, et de cette nécessité pour moi de témoigner et d’informer. Ce besoin d’images est apparu lors de mes premiers séjours en Nouvelle-Calédonie, au début des années 1980, en plein dans l’action de mobilisation du peuple kanak qui lutte pour son indépendance.
Il faudra attendre une décennie pour que le déclic survienne, avec la réalisation du Silence du fleuve, qui dénonce les crimes de la police parisienne sous les ordres du préfet Papon, le 17 octobre 1961, et qui touche également à mon histoire familliale.
L’histoire avec la Nouvelle-Calédonie est une longue histoire ?
Sur la Nouvelle-Calédonie, je vais tourner plusieurs films : tout d’abord Kabyles du Pacifique, en 1993, l’histoire étonnante de ces Algériens que l’on a exilés là-bas, les premiers vers 1873, suite à leur révolte contre l’occupant français.
Puis, en 2001, je reviens sur le parcours extraordinaire de Jean-Marie Tjibaou, ce leader kanak assassiné. Retour sur Ouvéa en 2008 revisite les événements tragiques de 1988, en pleines présidentielles, et qui ont cependant ouvert la page des accords de Matignon. En 2010, je signe La Délégation ou le Voyage en Kanaky, qui retrace la visite d’une délégation conduite par José Bové pour la libération de syndicalistes emprisonnés.
J’ai aussi écrit sur ce pays, Terres kanak, aux éditions Au nom de la mémoire, que je dirige avec Samia Messaoudi.
Des prolongements aujourd’hui ?
Oui, j’ai envie de vous parler du film La Tête d’Ataï, sur lequel je travaille depuis deux ans. C’est une histoire extraordinaire et pleine d’émotion car elle court sur plus d’un siècle et demi. Il s’agit du grand chef Ataï qui fut l’instigateur de l’insurrection kanak de 1878 et qui périt décapité. Sa tête fut envoyée en France, étudiée, puis elle disparut pour ne réapparaître qu’en 2011 dans des circonstances assez étonnantes. Elle sera restituée au peuple kanak en 2014.
Tout le reste de votre filmographie tisse patiemment, film après film, une autre histoire de l’Algérie, et de ses relations avec la France, où vous êtes né.
Oui, c’est le pays où je suis né et où je vis, aux côtés de ceux qui se battent pour l’égalité des droits et la dignité, bref, des sans-droits. Mes derniers tournages concernent les sans-papiers et les déboutés du droit d’asile. Je me suis retrouvé souvent à filmer des récits en lien avec mon histoire familiale, ou avec des personnes rencontrées dans ces luttes et qui m’ont durablement marqué. Je pense à Jacques Charby, ce magnifique comédien, ou Henri Curiel, ou encore tous ces appelés français qui ont refusé de se soumettre.
Je viens de réaliser une série de témoignages, En finir avec le guerre, en lien avec l’association des 4ACG, les anciens appelés en Algérie contre la guerre. Leur association est présidée par Simone de Bollardière, femme du général Jacques de Bollardière, démis de ses fonctions en 1957 pour avoir dénoncé la torture en Algérie. Ces hommes ont choisi de reverser leurs pensions d’anciens combattants pour favoriser la solidarité entre les peuples et, notamment, aider à la reconstruction de villages en petite Kabylie. Belles destinées !
Vous êtes aussi curieux de bien d’autres univers ?
Oui, j’ai aimé filmer Gérald Bloncourt, ce photographe haïtien en exil, qui a su si bien photographier la classe ouvrière. Je me suis émerveillé du parcours d’Albert Kahn, banquier, mécène et voyageur… Ou encore Didar Fawzi, révolutionnaire égyptienne, très impliquée dans le FLN.
Et les éditions Au nom de la mémoire ?
Créées depuis 1990, avec mon amie Samia Messaoudi et l’historien Benjamin Stora, ces éditions sont axées autour de trois thèmes qui s’entrecroisent : les mémoires ouvrières, liées souvent à l’immigration ; les mémoires urbaines, et en particulier la banlieue, et enfin les mémoires issues de la colonisation, des pages que le gouvernenement français se refuse à écrire lui-même. Les recherches préalables à mes documentaires ont souvent permis de nourrir cette écriture, et films et livres se répondent. Nous avons notamment, avec Anne Tristan, travaillé sur Le Silence du fleuve, et la reconnaissance des crimes perpétrés en ce 17 octobre 1961.
On vous retrouve aussi au Fidel, Festival images de la diversité et de l’égalité, au cœur de manifestations comme la semaine de l’anticolonialisme, participant à des débats sur Médiapart…
Mehdi Lallaoui, vous n’êtes jamais au bout du rouleau ?
Il y a trop d’injustices et de non-dits pour se permettre de se reposer ; je continue, quelle que soit la charge. Enfant, j’ai dû observer les petites fourmis qui avancent avec sur le dos des fardeaux trop lourds pour elles. Elles arrivent toujours à leurs fins !
Un livre important pour moi : Exils, exodes, errances, éditions Au nom de la mémoire (14, rue de la Paix, 95370 Montigny-lès-Cormeilles)
Un chercheur que j’admire :
Émile Temime, un historien qui a beaucoup travaillé sur l’immigration :
http://blogs.mediapart.fr/blog/benjamin-stora/211108/emile-temime-historien-des-migrations-et-du-monde-mediterraneen
Et ce beau festival du FIDEL : www.lefidel.com/
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