Wayne Jowandi Barker
Pour les droits des Aborigènes
Cinéaste, compositeur-interprète, activiste engagé dès les années 1970 dans les luttes politiques des Aborigènes australiens et la mise en valeur de son héritage tribal Jabirr Jabirr, et Yawuru sur la côte nord-ouest, Wayne Jowandi Barker est un artiste aux multiples talents, qui a consacré sa vie à la reconnaissance des droits autochtones.
Portrait rédigé à partir d’un texte de Barbara Glowczewski, que nous remercions.
« Emprisonné derrière les lignes
Comme un réfugié
Vivre dans une réserve
Un sergent sur un cheval blanc
Est-ce civilisé ? Ainsi disent-ils
Emprisonnés dans un cercle vicieux
Ignorants de leur sort
Besoin d’investiguer
Une carte disant leur nom et leur race »
Wayne Jowandi Barker, Caught Behind the Lines
La chanson de Wayne Barker Caught Behind the Lines évoque l’univers étouffé de l’apartheid australien des années 1960, magistralement restitué sous forme d’un clip noir et blanc dans le documentaire Milli Milli (53 min), commandité par la chaîne ABC. Tourné en 1992, Milli Milli, « message », présente la richesse des trois régions du Kimberley : la côte nord tropicale de l’océan Indien où Wayne a grandi, les plateaux à grottes ornées de peintures rupestres qu’il a explorées avec son oncle Mowaljarlai, et le désert de l’Ouest où sa mère fréquentait les rituels féminins. Ce film est toujours à l’honneur dans les musées d’art contemporain (Centre d’art de culture de Madrid, Fondation Burkhardt en Suisse, Musée aborigène d’Utrecht, etc.).
Wayne a mis en scène l’univers de son enfance dans le court-métrage Strike your Heart (1997), à un moment où les Aborigènes vont être inclus dans le recensement national et où il devra partir pour aller au collège. L’expérience fut dure dans cet internat du Sud et il ne finit pas ses études. Mais part travailler, traversant le continent. La lutte politique, tel le soutien de l’établissement devant le Parlement de Canberra en 1972 d’une tente-ambassade avec un drapeau aborigène créé pour l’occasion (http://www.creativespirits.info/aboriginalculture/history/aboriginal-tent-embassy-canberra), conduit Wayne à s’investir dans la création de radios aborigènes. Tout d’abord en Tasmanie, avec sa sœur, puis en Australie centrale avec CAAMA. Sous l’impulsion d’activistes aborigènes, CAAMA va ensuite créer une chaîne de télévision avec des programmes dans les nombreuses langues du Territoire du Nord.
Les années 1980 sont l’époque des utopies sociales en pleine marche. Wayne, comme de nombreux autres Aborigènes métissés, parie sur une réappropriation de l’histoire, de la culture, de l’organisation de leur vie et de leur futur. L’Institut national des études aborigènes (AIATSIS) à Canberra lui propose d’acquérir une formation au cinéma en accompagnant des ethnologues sur le terrain : il va participer à plusieurs tournages avec McDougall et Kim McKenzie en Terre d’Arnhem, apprenant ainsi à filmer. En 1983, l’Institut envoie Wayne Barker au Canada enquêter auprès des Inuits sur leur système de télévision de proximité par satellite. Il revient emballé et écrit un rapport pour recommander la formation à la vidéo des Aborigènes, avant que ne déferle sur eux la télévision.
Wayne Barker rentre alors chez lui, à Broome, pour créer sa structure de production vidéo, et pour former à filmer et à diffuser en BRACS (émission dans un rayon de 30 km) de jeunes Aborigènes des communautés du Kimberley. Il entreprend aussi une quête de ses sources ancestrales et est initié à Looma, où il apprend des chants rituels. Il réalise avec sa sœur Patricia Mamanjun Torres la série Ngaangkiti, plusieurs courts-métrages mettant en scène des récits aborigènes.
En novembre 1990, il est l’invité d’honneur du festival de cinéma d’Amiens, consacré aux réalisateurs autochtones. Quelques mois plus tard, le Festival de Douarnenez, dédié aux Aborigènes, l’invite, ainsi qu’une délégation aborigène. En fait aussi partie Rachel Perkins, qui à l’époque est productrice de télévision à CAAMA et n’a pas encore tourné les films qui vont la rendre mondialement célèbre. Wayne se marie avec l’anthropologue Barbara Glowczewski à la mairie de Douarnenez, sous les drapeaux aborigène et breton réunis.
Wayne Jowandi – son nom aborigène et de scène – mène le projet de film interactif Quest in Aboriginal Land, présenté dans diverses expositions d’art aborigène en France, en 2002, puis L’Esprit de l’ancre, produit par le CNRS en 2006.
Wayne est retourné vivre à Broome et sur sa terre à Winnawal en 2006, où il travaille pour des organisations aborigènes qui luttent pour la reconnaissance économique et culturelle de la région.
« Quand je regarde aujourd’hui les visages soucieux de nos anciens, qui à ce moment du temps sont les gardiens des histoires, des chants, des danses, des rituels et des secrets cérémoniels qu’on ne se transmet qu’en murmurant, je ressens comme une absence. Aujourd’hui dans la file, derrière eux, il y a un vide immense. Les nôtres se battent contre d’innombrables problèmes sociaux et de santé qui déciment tous les jours hommes, femmes et enfants. Dans toutes les communautés d’Australie, nous essayons de survivre, chacun à notre manière, en utilisant des méthodes et des programmes différents, non seulement pour combattre l’oppressante anti-culture du XXIe siècle mais aussi pour regagner un peu du terrain que nous avons perdu. Sur ces visages, on peut voir que beaucoup sont fatigués, vieux, frustrés et déçus. Ils ont peur de ce qui leur semble inévitable, l’assimilation des nôtres dans le monde de l’homme blanc. »
(Écrit en 2005, publié dans Le Défi indigène, éditions Aux Lieux d’être.)
Plongée en compagnie de l'anthropologue Barbara Glowczewski dans l'art de la peinture aborigène.
Balade à travers trois régions des Kimberley, au nord-ouest de l'Australie. Une vision aborigène, rare et précieuse, de ce territoire.
Présenté sous forme de Dvd interactif dans de nombreux musées, le travail croisé de création et de recherche d'un cinéaste aborigène et d'une anthropologue. Indispensable pour comprendre l'univers aborigène.
Un court-métrage inspiré par l’enfance du réalisateur dans les années 1960 à Broome. Tourné avec des acteurs aborigènes locaux, ce film a parcouru de nombreux festivals…